Valentin, le massacreur de grenouilles

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Tous les jours que dieu fait, le petit valentin jouait devant le ruisseau des lamentations à son jeu préféré, celui de l’écrasement des grenouilles et des crapauds.

Ce petit garçon diabolique adorait voir ce mélange de sang et de substance verdâtre dégoulinant sur ses mains potelées et comme si que cela ne suffisait pas, ses victimes étaient ensuite vidées de leurs entrailles, pour être balancées au loin par ses coups de pieds devenus vigoureux, grâce à sa discipline préférée, celle du lancer pédestre des batraciens.

A chaque grenouille ou crapaud reçu, les larmes ruisselantes  du petit ruisseau imploraient une nouvelle océanide pour mettre un terme à ce massacre, mais aucun espoir ne se présentait à l’horizon et le petit garçon plus pervers que jamais s’amenait tous les jours, à la même heure, pour exécuter ses sales besognes et s’en aller en trimbalant son affreux sourire empli de satisfaction.

Un jour, petit valentin aperçut au loin une petite fille devant le ruisseau de ses supplices, il fronça ses sourcils de méchant garçon et décida de chasser cette intruse en exécutant devant ses yeux un autre petit amphibien.

Il avança avec ses bottes en plastique presque aussi vertes que sa future victime et prit entre ses mains la petite bête qui croassait de terreur, trop bête pour se sauver malgré ses  grands yeux jaunes globuleux.

Il la prit par le bout de ses pattes et la plaça sur une pierre plate, la petite fille regardait ce spectacle en se demandant ce qu’il allait en faire, loin de se douter qu’elle allait  assister en direct à l’exécution d’une grenouille.

Il prit une autre pierre et la plaqua rageusement sur le corps du pauvre animal en ricanant, la petite fille presque aussi abasourdie que terrifiée, mit sa main sur la bouche pour tenter d’étouffer le cri atroce qui allait en sortir, elle  dévisagea  cet assassin avec ses grands yeux aussi beaux que le fond d’un océan et vacilla en tentant de tenir l’équilibre de son corps  qui céda à l’évanouissement.

Le visage du petit valentin habituellement implacable dans ses délires, perdit de sa froideur, il jeta sa victime avec un mouvement de recul, comme quelqu’un venant de se rendre compte de l’horreur qu’il a commise et accourut vers le corps inerte allongé sur l’herbe.

Elle était belle, bien trop belle pour assister  à un tel massacre, ses grands yeux étaient fermés et protégés par de longs cils courbés aussi gracieux que ses sourcils, ses joues rosées cachaient une couleur de peau d’un blanc éclatant dont la texture était plus lisse que celle d’un bébé venant de naitre, son visage angélique puisait de la douceur dans les regards les plus méchants.

Elle portait une robe couleur de paix et sur son cou, une  longue chaîne avec un pendant  représentant une  grenouille paisible.

En voulant toucher cet objet métallique, petit valentin frappé par la beauté surnaturelle de cet être allongé devant ses yeux de tueur, venait de se rappeler que ses mains étaient encore sales par le fruit de son péché.

Il courut vers le ruisseau témoin de ses affres journalières et se lava les mains avec insistance pour ne pas garder la puanteur de ses actes, ensuite, il les parfuma en les frottant énergiquement à des fleurs flottantes.

Il était étourdi et alourdi par tant de beauté et tant d’innocence  et avançait doucement vers le corps de la petite fille qui commençait à cligner des yeux sans les ouvrir.

Il s’agenouilla et d’une main parfumée par le nénuphar,  il prit le pendentif pour le contempler de plus près, soudain, les yeux de la petite s’écarquillèrent et d’une petite voix presque inaudible elle murmura « je t’en supplie, ne fais pas de mal  à ma grenouille ! ».

Le petit valentin esquissa le plus beau sourire de toute sa petite vie, son regard s’adoucit encore plus et sa main se posa délicatement sur la joue de la petite fille, une petite caresse involontaire échappa de cette main massacreuse, une caresse plus tendre que la douceur du coton.

Il demanda délicatement à la petite fille son prénom, elle s’appelait Graciella.

Quel autre prénom pouvait rimer avec tant de grâce se dit-il ?

Petit valentin, tout bête, toute chose, tout ébloui prit la main de la petite fille  pour l’aider à se relever, avec une tendresse qui lui était jusque là inconnue, il épousseta le dos de sa robe en caressant ses longs cheveux lisses.

Graciella était silencieuse et attendrie par tant de douceur venant  de ce broyeur de grenouilles, elle avait déjà  balayé de son esprit l’incident du massacre, personne ne devait savoir ce qu’elle avait vue.

Les futurs amoureux marchaient côte à côte vers la demeure de l’ange, qui d’un regard, avait réussi à métamorphoser un vilain petit garçon en charmant petit prince,  soudain, la petite fille s’évanouit encore.

Valentin porta son petit corps délicat avec le plus grand soin et sitôt arrivé près de la grande porte ou vivait la petite, il fût accueilli par une mère affolée qui prit le corps de sa petite fille et le transporta vers sa chambre, suivie d’un valentin inquiet tentant d’essuyer le flot de larmes circulant sur son visage autrefois impassible.

Il demanda à la mère s’il pouvait rester au chevet de sa nouvelle amie ou bien aimée, il ne connaissait pas ce sentiment, cet étrange sentiment qui vous rend si vulnérable.

Il refusait de dormir et mangeait très peu, à chaque clignement des yeux il était là, à chaque montée de fièvre il était là, à chaque gémissement il était là, tenant toujours à la main un objet de soulagement tel un mouchoir humide, un verre d’eau ou un éventail et priant pour qu’un miracle chasse cette maladie inconnue.

Les jours, les semaines et les mois passaient et l’état de la petite fille s’améliorait petit à petit, grâce aux prières du petit valentin et aux larmes qui envahissaient toutes les nuits son être tout entier.

Le 14 février, Graciella se leva enfin et Valentin assista au miracle tant espéré, il pleura de joie en remerciant tous les dieux d’avoir sauvé sa dulcinée.

La mère de la petite, qui avait perdu espoir, ne sut comment remercier ce gentil petit garçon resté au chevet de son enfant pendant si longtemps.

Cette mère désespérée était d’ailleurs persuadée que valentin était un ange envoyé du ciel et c’est à partir de ce jour là que le massacreur de batraciens fut baptisé saint valentin, car malgré tout, l’amour l’avait emporté sur la perversité.

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